L'eau est la source de toute vie et donc aussi de l'agriculture. Sans eau, pas de récolte. En Belgique, nous bénéficions d’un climat tempéré. Il fait rarement des températures glaciales ou torrides et les précipitations sont réparties uniformément tout au long de l’année. Mais nous ressentons également le changement climatique. Il fait de plus en plus chaud et les hivers sont de plus en plus humides. Cela rend l’agriculture de plus en plus difficile.
En Belgique, par exemple, 7 % des pommes de terre n'ont pas été récoltées l'année dernière parce qu'il a plu presque sans arrêt à partir de la mi-octobre et que les gens ne pouvaient pas entrer dans les champs. La goutte qui a fait déborder le vase est venue avec le gel de janvier. La situation était également désastreuse dans les betteraves et les légumes. En 2022, les producteurs avaient de nouveau dû faire face à une sécheresse extrême, reconnue comme une calamité naturelle. Bref, d'un extrême à l'autre.
Atténuation et adaptation
À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, il est bon de prendre un moment pour réfléchir au rôle crucial de l’eau dans l’agriculture du futur. L’atténuation du changement climatique est et reste essentielle, mais l’adaptation ne doit pas non plus être laissée de côté. Comme c’est souvent le cas face à des défis complexes, il n’existe pas de solution miracle pour nous armer contre le changement climatique. Cependant, nous pouvons prendre des mesures sous différents angles qui se complètent et se renforcent mutuellement.
La mise en tampon de l’eau de pluie nous protège à la fois du manque d’eau et des inondations. Récupérer la pluie, la retenir et la laisser s'infiltrer lorsqu'elle tombe abondamment, afin de réutiliser cette eau pendant les périodes sèches. C'est l'essentiel. Cela peut être réalisé grâce à des travaux d’infrastructure à différentes échelles, tels que de grands bassins hydrographiques régionaux ou le stockage local des eaux de pluie dans les exploitations agricoles. On constate également de plus en plus de collaborations entre secteurs. Des entreprises fournissent ici et là l’eau de pluie collectée pour l’agriculture et la nature.
L’eau peut également être tamponnée sur le terrain grâce à une gestion intelligente des sols. Le sol est comme une éponge capable de stocker de l’eau pendant les périodes sèches. Cette capacité de rétention d’eau peut être améliorée en appliquant les principes de l’agriculture de conservation: réduction des perturbations des sols (pas de labour), diversification des cultures et couverture permanente des sols par des plantes vivantes ou des résidus de cultures.
De plus, ces techniques améliorent la santé, la fertilité, la structure et la vie microbienne du sol ainsi que sa résistance à l’érosion. Une bonne structure du sol sans compactage assure une meilleure infiltration. Ces techniques permettent également de stocker davantage de carbone dans le sol. De cette manière, ils contribuent non seulement à l’adaptation au climat, mais également à l’atténuation du changement climatique. Cela peut être encouragé dans les modèles de revenus de l’agriculture du carbone.
Nous voyons également des projets pilotes prometteurs en Belgique avec un drainage à niveau contrôlé et une subirrigation (irrigation souterraine via des conduites de drainage) pour tamponner l'eau sur et autour du champ. À plus grande échelle, le concept d'ASR (Aquifer Storage and Recovery) présente un grand potentiel en tant que « batterie hiver-été ». Il s’agit d’une technique de gestion de l’eau dans laquelle l’eau est injectée en profondeur sous terre et stockée pendant les périodes humides, pour être récupérée en cas de sécheresse. Là où l’irrigation est utilisée, il est important de gérer l’irrigation intelligemment et de travailler avec des techniques économiques.
La réutilisation fait également partie de la solution. Les eaux usées industrielles sont de plus en plus purifiées et valorisées en eau d’irrigation, en eau de traitement ou même en eau potable. Cela réduit la pression sur nos précieuses eaux souterraines et de surface. Par exemple, le transformateur de légumes surgelés Ardo purifie son eau de traitement en eau d'irrigation pour l'agriculture environnante.
Le Blue Deal est la stratégie globale qui devrait rendre la Flandre plus résiliente à la sécheresse et aux inondations. Cela se reflète dans des centaines de projets. Réarroser la nature, permettre aux cours d'eau de serpenter ou de s'ouvrir à nouveau, restaurer la capacité de stockage de l'eau des vallées. Il est également crucial d’arrêter la bétonnisation des surfaces. La superficie de 10 terrains de football continue de disparaître sous le béton chaque jour, même si le rythme de la bétonnisation diminue progressivement. La politique de l’eau est comme un navire qui tarde à tourner, mais le redressement semble avoir commencé.
La sélection de cultures pour leur permettre d’utiliser l’eau plus efficacement et de les rendre plus résistantes à la chaleur, à la sécheresse et au stress salin est une pièce indispensable du puzzle. Les nouvelles techniques génomiques (NGT) peuvent accélérer ce processus. Des recherches sont également menées sur des cultures qui nous sont moins familières et moins gourmandes en eau, comme le sorgho, mais il faut alors que toute la filière soit prête à y participer.
Amélioration de la qualité de l'eau
Outre la disponibilité de l’eau, la qualité de l’eau est également importante. En agriculture, les ruisselement des engrais et des pesticides peut contaminer les eaux de surface et souterraines. Il y a encore des gains à réaliser en terme d'efficacité. Pour les deux intrants, il s’agit d’administrer la bonne dose au bon endroit et au bon moment.
L’engrais appliqué doit, autant que possible, être absorbé efficacement par la culture. Application fractionnée, meilleurs modèles des besoins des cultures et de la minéralisation, meilleur contrôle des taux de libération, inhibiteurs de nitrification, application plus précise, etc. Tous ces paramètres peuvent tous contribuer à une meilleure efficacité de la fertilisation. La recherche ne s’arrête pas et travaille sur tous les fronts.
En matière de protection des cultures, il s’agit d’utiliser des produits au profil environnemental plus favorable et de les appliquer de manière plus précise. Les produits actuels sont de moins en moins emportés par les eaux et se décomposent plus rapidement dans l'environnement. En utilisant des capteurs de culture, une aide à la décision, des modèles de maladies et des pulvérisateurs intelligents, on peut réduire à la fois le nombre d'applications et la dose appliquée. Les agriculteurs sont également de mieux en mieux formés et accompagnés pour utiliser des systèmes anti-pollution, tels que des zones de remplissage et de rinçage, des systèmes de remplissage fermés et une réduction de la dérive. Cela évite une pression inutile sur l’environnement.
Tamponnage de l'eau, qualité de l'eau, sélection de cultures et techniques agricoles adaptées. Une politique agricole forte et une politique environnementale tout aussi forte. L’agriculture fait simplement partie de l’espace ouvert et les eaux souterraines ne s’arrêtent pas aux limites de la propriété.
Solutions basées sur la technologie et la nature. Nous avons besoin de toutes les solutions pour nous préparer à l’avenir. Nous n’y parviendrons pas avec des solutions partielles. Lorsqu’un gouvernement fort et un secteur agricole engagé unissent leurs forces, cette approche intégrée est tout à fait possible.